060213. Première partie.
Pour une fois, je vais écrire cette chronique entièrement à la main. De la bonne vieille encre s’imprégnant grassement dans les pores du papier. Le fait est que je n’ai pas mon ordinateur. Et pour cause, me voilà maintenant à Istanbul ! J’en suis le premier surpris, croyez-moi.
Hier encore, je pensais tout au mieux faire quelques emplettes au Ikéa de Bornova et je suis maintenant là à squatter le 80 mètres carrés de Barış, un ami de Secil, à 3 stations de métro du vieux centre d’Istanbul.
Pourtant, mardi soir, j’étais rentré tranquillement, donnant, comme chaque jour, à manger au chat, checkant facebook, grignotant un petit goûter. Et puis je me suis souvenu qu’il serait bon d’ouvrir gmail, suite à ma demande pressante de rendez-vous auprès du Consulat français d’Istanbul. (Pour obtenir un passeport, car oui, j’ai pu rentrer en Turquie sans problème, avec ma simple carte d’identité, mais ignorais que pour effectuer une demande de permis de séjour, obligatoire au delà de trois mois, un passeport était requis.)
Et non seulement ma boîte de réception était pleine, mais en plus le Consulat me proposait « à titre tout à fait exceptionnel » un rendez-vous le lendemain à 14h30, à Istanbul donc. Je pense qu’il est bon de rappeler ici que 8 heures de bus séparent les deux villes, et qu’il était, à la lecture de ce mail, un peu plus de 17 heures.
Réflexion, interrogations, échanges téléphoniques, discussions sur facebook, prise de contact avec Ida, mon contact stambouliote de l’asso. Toute la fourmilière s’active. L’urgence n’est pas mon fort. Faire des choix pas particulièrement non plus. Et puis l’occasion fait le larron. Alors la décision est prise, ça semble jouable, « let’s do it » ! Trouver un bus est alors la mission suivante. Buşra de TREX, l’association coordinatrice, habitant en fait dans la même rue que moi, va me rejoindre et m’aider. C’était l’idée en tout cas. Car tous les poins de repère qu’elle me donne me semblent inconnus. Parle-t-on bien de la même rue ? Visualisant globalement le trajet depuis chez moi jusqu’à la mer, je me doute qu’il faut partir dans l’autre sens. Aidé d’un sms qu’elle m’a envoyé en turc et que je montre aux autochtones, je finis bon gré mal gré par arriver au point de rendez-vous. En face de la Halkbank, au coin du Efe Tur. À ce niveau se situe effectivement une officine de la Kâmil Koç, société de transports, établie depuis 1926 à en croire leur logo. À environ 15 minutes à pieds de mon appartement donc. Moi qui pensais connaître à peu près le quartier, ça m’aura au moins permis de découvrir avec surprise que la rue continue de manière exponentielle de ce côté-ci.
Buşra m’achète ainsi un billet à 50 Tl, partant à 23h56 de la gare routière que je rejoindrais avec la navette de 23 heures depuis Karşıyaka . Il est 21 heures, heureusement j’avais pu faire mon sac auparavant. Je rentre donc manger et faire quelques bisous à ma bien-aimée sur skype, et me voici à nouveau à l’angle de l’« Aksoy sokak », attendant fébrilement ma navette –fébrilement, c’est l’emphase de l’écriture, en vrai, j’étais plutôt tranquille, bien qu’une légère pointe d’excitation stressée se fasse sentir.
35 minutes plus tard, me voici à la gare routière. Ambiance survoltée, cris, tambours, chants, drapeaux turcs et rassemblements massifs de jeunes, ce soir, c’est sur, il y match. Mais je ne vois pas de maillot et ne peux identifier les équipes en lice. En fait, point de foot –et après quelques questions à Ida dans la journée–, j’apprendrais qu’il s’agissait sûrement de jeunes partant effectuer leur service militaire, supporté pour l’occasion par leurs famille, amis, voire tout leur quartier. Avec des chants du type « notre soldat sera le meilleur soldat ». Déroutant !
Dans tout ce tumulte, j’atteins néanmoins mon bus sans encombre, et à 23h55 le véhicule entame sa route vers Istanbul. Pour 8 heures donc. Une ambiance « colo », mais avec uniquement des inconnus. Je dors comme je peux, soit pas si mal, cumulant 5 à 6 heures d’un sommeil, malgré tout, pas tout à fait réparateur. La bonne surprise aura été l’offre « gastronomique ». Après une certaine méfiance, connaissant trop bien les prix des wagons restaurants français, je me vois abondamment et surtout gratuitement servi de thé, gâteaux, café et autres sucreries sous emballage. Je ne crache pas dessus. Le voyage passe bien mieux ainsi. Et à 8 heures le lendemain matin, nous atteignons finalement « Alibey Köy » –le « village de Monsieur Ali ». Nouvelle correspondance. Destination Taksim, le quartier du consulat où j’ai rendez-vous avec Ida à 10 heures.
Arrivé sur place, il est à peine 9 heures. J’erre un peu, prends quelques photos de touriste, déambule dans la grande rue – encore une fois j’ai Rivoli en tête, quoiqu’ici le piéton domine–, et vais finalement me caler au « Simit Sarayı », « palace » ressemblant surtout au « Mc Do » de la boulangerie. Ida me rejoint à la fin de mon petit-déjeuner et mon séjour stambouliote peut alors enfin commencer.